Pedro l'âme

Publié le par Dudley Smith



Vu hier, le nouvel opus de señor Almodovar, les Etreintes Brisées. J'y allais d'ailleurs sans savoir qu'en attendre, voire méfiant. Si j'ai goûté, comme l'ensemble des médias bobo et du grand public, son virage académique avec le sublime Tout sur ma mère, j'avoue que les suivants m'ont moins emballé. Parle avec elle était malsain et bancal, La mauvaise éducation boursouflé et bordélique, et si le rythme très enlevé de Volver m'avait séduit, je serai bien incapable de me souvenir d'une seule scène ou réplique...

Et cette fois, très belle surprise, puisque malgré plusieurs défauts évidents, ce nouveau long-métrage est très beau. Difficile d'en synthétiser l'intrigue, ou les intrigues, faites d'histoires d'amour, de cinéma, de désir, d'infidélités, de déceptions, de retours dans le temps, et donc d'étreintes brisées.
Etonnamment, malgré son cahier des charges costaud, le film acquiert avec sa trame une certaine fluidité, et les réponses s'inscrivent d'elles-mêmes, au fur et à mesure.

Almodovar n'est plus seulement dans une veine académique, libérée du baroquisme de ses débuts entre provoc', amour des marginaux et prise d'ambiance de la Movida la plus délurée, il assume désormais son embourgeoisement cinématographique, et comme un embonpoint mignon, cela lui va plutôt bien. Malgré d'évidentes séquences tire-larmes, ce film est le moins pudique, et en même temps le plus épuré.

Une tendance qui s'exprime d'ailleurs à merveille dans les choix formels de vouloir composer un mélo à l'ancienne, entre Douglas Sirk et Loin du paradis, de Todd Haynes. Images ouatés, caméra lente, fondus au noir, scènes dignes des grands classiques hollywoodiens (l'escalier), dont certains sont d'ailleurs cités in extenso...difficile d'être plus original que les nombreux médias y ayant vu "une déclaration d'amour à l'amour et au cinéma".



Enfin, les défauts du film : son rythme, le personnage des deux fils, fades et irréalistes, sa longueur (et langueur) ou autres petits détails comme des scènes très carton-pâte (la boîte de nuit, voir l'exil aux Canaries) sont allégrement compensés par la direction d'acteurs, les choix sus-cités et évidemment Penelope. Si pulpeuse, si Cruz, si fatale, elle est au centre du film, des désirs, et de la mort sous-jacents. Pas de référence ici à son talent, le sien était déjà remarquable depuis longtemps, elle n'appartient donc pas à ces acteurs (Di Caprio, Brad Pitt, Eva Mendes...) si beaux qu'on se sent obligés systématiquement de jauger leurs qualités de comédiens, pourtant inattaquables.

Penelope Cruz ici est gironde, éclatante, mate et forte, et comme dans toute pelicula de Almodovar, elle tient l'ensemble par les cojones. Et le réalisateur lui-même de s'amuser de ses yeux noirs, de sa beauté irradiante, en la fardant au début, et en jouant ensuite avec les perruques, les tenues, et les expressions...



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