Forget after Watching

Publié le par Dudley Smith


Vanité et vacuité des numéros d'acteur érigés en long-métrage...


Nous y voilà, la Frères Coen entreprise, chapitre 13. Coincé entre le formidable et crépusculaire No Country..., et le prochain - une autobio avec que des acteurs inconnus intitulée A serious man - nous parvient donc Burn after reading, petite comédie (??) vite faite avec que des acteurs cool, censément une satire des moeurs à la mode aux USA : la gym à outrance et l'espionnage. Mouais, déjà le synopsis a des relents chelous. Et les acteurs sont tellement en surrégime que l'histoire, on s'en carre rapidement...

Très vite, un constat s'impose à votre serviteur - dont les avis, je vous le rappelle, n'engagent que lui. George Clooney est bien meilleur dans les rôles "sérieux", et les Coen excellent indéniablement plus dans le drame, mais le drame au sens Coen, grinçant et cruel, jouissif et pétri d'humour noir.
Comme avec d'autres bosseurs du milieu qui livrent une cuvée presque chaque année - Eastwood, Woody Allen ou Guillermo Del Toro, je me retrouve dans la position un peu chafouine consistant à en aimer "un sur deux". Banal, mais tellement vrai. Inutile de préciser que ce dernier film tombe dans la catégorie des "Bof, bof"... 

D'ailleurs, c'est même pas vraiment "un sur deux", selon un manichéisme acéré. Les frères Coen ont un talent fou, qui parfois tourne un poil au snobisme (comme Soderbergh) et lorsqu'ils déroulent leur patte, on s'ennuie parfois ferme sans trop oser l'énoncer en société (cf le bien nommé The Barber, sommet soporifique - mais joli).
Et les frangins ont à mon sens parfaitement réussi leurs films "noirs", parfois considérés à tort comme des comédies : le sublime Miller's Crossing, le foutrarque Barton Fink, Blood Simple, Fargo ou No Country. Foirant en revanche certaines comédies, à l'exception de la légende Lebowski, et (dans une moindre mesure) Le grand saut et O'Brother...


          "C'est cool, on est des acteurs cool dans un film cool..."

La nouvelle livraison de la Coen & Coen corp. montre aussi les limites d'un système à la mode à Hollywood, ou plutôt deux systèmes. Les films de la strate auteurisants-indé, genre Bubble de Soderbergh, et la tendance consistant à faire jouer des acteurs "à contre-emploi de leur image". Bien loin de la performance ahurissante de Liz Taylor dans Who's afraid of Virginia Woolf, qui pour le coup mettait presque sa carrière en péril, on voit depuis quelques années des icônes adeptes du second degré - Clooney le premier - s'amuser à torturer au minimum leur belle gueule pour faire hype. Pourquoi pas, si le film est bon ?

Mais Clooney, comme par exemple Angelina Jolie ou Depardieu chez nous, est désormais tellement populaire qu'il est Clooney AVANT d'être un personnage...Lorsqu'on le voit dans Burn after reading cligner des yeux, serrer la bouche de stress, et s'emballer de tics, on le voit presque surjouer dans la pub Nespresso. Quant aux autres acteurs du film, ils évoluent peu ou prou dans le même registre.
Ainsi, John Malkovich (qu'on voit peu finalement), bouscule quelque peu son image arty en vociférant des insultes, Frances McDormand recompose son éternel personnage de "moche sympa" madame-tout-le-monde, gauche et popu.

Restent les seconds rôles, magnifiques gueules 100% Coen, de la CIA ou le proprio du club de gym, papa dans Six Feet Under. Et Brad Pitt, qui est excellent comme d'habitude, même si je le préfère en fantôme éthéré de Jesse James qu'en ado attardé qui danse et chante avec son Ipod pour appuyer son rôle...
Et Tilda Swinton.



Vraie bonne trouvaille du film, et du siècle en cours, cette dernière est extraordinaire. Déjà brillante dans Michael Clayton ou Julia, la rousse au physique d'elfe compose ici un personnage très archétypé ricain, la mère de famille qui gagne du pognon et qui veut tout dominer en parfaite maîtresse-femme. Avec la panoplie pour : ton sec et cassant, tailleurs hideux et postérieur saillant. Dominée malgré elle par les hommes qui l'entourent, Swinton joue parfaitement ce mélange de fébrilité et de complexes, à la fois pleinement dans - et hors - de son temps.

Et ne jetons pas non plus les Coen avec l'eau du bain. Le film n'est pas à chier, juste un peu bâclé et raté. Certaines scènes de violence sont jouissives (hélas), et comme les brothers ne sont pas non plus des manchots derrière une caméra, certaines scènes, comme lorsque Clooney se fait suivre - sont de vrais bijoux-échantillons de thriller (musique, image métallique, gros plans...). A la prochaine, Joel et Ethan...
 


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